D’éternels ados échappant à leurs responsabilités, des aînés obsédés par le culte de la jeunesse ou de simples quinquagénaires ayant soif de liberté, qui se cachent derrière le terme de « quinquados » ? Femmes ou hommes, ils vivent comme des trentenaires mais avec la maturité liée à leur expérience, se retrouvent entre amis et profitent de la vie tels de nouveaux épicuriens. Les quinquados, ou quincados, apparaissent comme une nouvelle catégorie sociologique qui interroge sur l’évolution des mœurs de notre société. Retour sur les mythes et vérités qui entourent ces adultes, autrefois qualifiés de seniors, qui refusent de vieillir, ou qui ont simplement décidé d’assumer leur âge.
Quinquados : qui sont-ils ?
Quinquados », un terme nouveau pour désigner qui ?
Les jeunes seniors sont plus nombreux que jamais et ont bien décidé de profiter de la vie. Si on ne peut pas tous les qualifier de « quincados », à l’instar du livre éponyme du sociologue Serge Guérin, ils sont de plus en plus nombreux à changer d’attitude par rapport à ce que la société leur impose. Ils ne veulent plus vivre dans le train-train quotidien et se cantonner aux activités de « leur âge ». Le « je suis trop vieux pour ça » est devenu une expression désuète. Place aux nouvelles expériences. Le passage à la cinquantaine souffle comme un vent de liberté sur cette génération née dans les années 60-70. Pourtant, ils sont loin des clichés qu’on souhaiterait leur coller. Se sentant vivants et en pleine possession de leurs moyens, c’est l’envie de participer au monde, de continuer à vivre de nouvelles expériences qui les animent. Mais ils ne courent pas après une seconde jeunesse, ne sont pas adeptes du bistouri et essayent encore moins de se faire passer pour des trentenaires. Leur âge, ils en sont même fiers. Alors pourquoi « quinquados » ? Parce que l’adolescence, c’est l’époque de tous les possibles, où l’avenir est radieux et encore plein de promesses. Aujourd’hui, avec l’allongement de l’espérance de vie, avoir 50 ans est loin d’être le début de la fin. C’est le milieu de la vie, où l’on peut encore tout recommencer.
La crise de la cinquantaine, un concept obsolète
Les personnes de plus 50 ans envisagent leur vie de façon beaucoup plus positive. Ce phénomène des quinquados, n’est pas l’expression d’un mal-être existentiel, d’une déprime liée au départ des enfants de la maison ou d’une peur d’être devenu vieux. C’est surtout une remise en question de la représentation de l’âge et des normes qui sont imposées à cette catégorie socio-démographique.
Femmes et divorcée, le profil type des quinquados
Selon l’institut de sondage Ipsos les premiers concernés par ce phénomène sont majoritairement issus des catégories socio-culturelles les plus élevées. Ce groupe social est également composé d’une majorité de femmes, souvent divorcées. L’augmentation du nombre de divorces tardifs serait à l’origine de l’apparition de ces quinquados. Le divorce est souvent l’occasion d’une remise en question plus profonde sur sa vie et ses aspirations. Après un divorce, on redécouvre d’autres aspects de sa vie qu’on avait peut-être laissés de côté, comme les sorties, les amis, les voyages… On sort de sa coquille et on se redécouvre. Par ailleurs, à un âge où les enfants ont grandi et ont quitté le nid, on retrouve une certaine liberté et on a plus de temps pour penser à soi.
Une seconde jeunesse
Les quinquados se sentent souvent plus en phase avec des personnes plus jeunes qu’avec d’autres quinquagénaires plus posés, qui n’ont pas eu cette remise en question ou qui sont encore trop enfermés dans une vision du monde qui, à eux, ne leur correspond plus. Alors, on sort, on fait la fête, on part en vacances en bande de copains et on a de nouvelles aventures. Bien qu’ils vivent comme des trentenaires, la plupart disent ne pas chercher à faire plus jeune que leur âge. Ils ou elles se sentent beaucoup mieux dans leur peau à 50 qu’à 25 ans.
C’est surtout vrai pour les femmes. Les complexes de jeunesse, le manque de confiance en soi et les incertitudes sont loin derrière. On est droit dans ses bottes et on assume qui ont est. C’est l’envie d’être moderne et dans l’air du temps qui émanent des femmes et hommes quinquados. Ils ne vont pas chercher à s’habiller comme leurs enfants, par exemple, mais adoptent un style et une attitude plus décontractés, se tiennent à la page sur les nouvelles technologies ou demandent conseil à leurs enfants pour mieux utiliser les réseaux sociaux.
Immature, pas pour autant
Il ne faudrait pas confondre ces quinquagénaires dans l’air du temps avec les faux jeunes, des personnes cherchant plutôt à ne pas grandir et fuyant les engagements. Les quinquados, au contraire, ont déjà eu de nombreuses responsabilités professionnelles ou familiales, ils sont aussi prêts à se lancer dans de nouveaux projets, à relancer leur carrière ou même à faire une reconversion professionnelle. Se dire qu’on est trop âgé pour commencer quelque chose ou se lancer de nouveaux défis, ça ne leur viendrait pas à l’esprit.
Quinquados, pas si anticonformistes que ça ?
Si tout semble sourire à cette génération, il y a également quelques échos négatifs à leur égard. Pour le psychologue José Polard, interrogé dans Marianne, l’apparition de cette catégorie coïnciderait plutôt avec des objectifs mercantiles : « Ne nous y trompons pas, la société néolibérale dans laquelle nous évoluons met derrière des enjeux de marketing et d'économie », prévient-il. « Les quinquados sont les fruits de ce mélange. C'est un gadget qui dit quelque chose. Aujourd'hui, pour passer d'un état à un autre, on convoque toujours l'adolescence. C'est la période du souci de soi, de l'envie de se trouver, de se projeter. On parle de "promesse adolescente", et c'est très beau. Mais ça l'est moins transposé à une période qui n'est plus celle des promesses. Les quinquados ont peur de mûrir d'abord, de mourir ensuite ».
Pour d’autres, ces quinquados ne seraient que le fruit d’un martelage médiatique qui voue un culte à la jeunesse et à l’insouciance, comme si être adolescent ou jeune adulte était la seule façon raisonnable et enviable de vivre. Pour Jean-Pierre Le Goff, auteur de Malaise dans la démocratie (Stock, 2016) « cette dissolution des générations » n’a rien de positif et serait même nocive, notamment dans les relations parents-enfants qui deviennent des relations de “copain à copain”. Finalement, il ne s’agirait que d’un anticonformisme de façade déjà récupéré par les médias et le marketing. À chacun de se faire son opinion.