L’animal le plus aimé des Français accusé de ravager la nature : va-t-on devoir le considérer comme une menace ?

Ils ronronnent sur nos genoux, dorment en boule sur les canapés, et apportent tendresse et compagnie dans plus d’un foyer sur deux. Mais derrière leur image de compagnon paisible, les chats domestiques suscitent aujourd’hui une inquiétude croissante chez les scientifiques et les défenseurs de la biodiversité. Leur instinct de chasse naturel, combiné à leur prolifération incontrôlée dans certains territoires, en fait des prédateurs redoutables pour la petite faune sauvage. Le débat prend désormais une ampleur nationale : faut-il considérer le chat comme une menace écologique, voire comme une espèce nuisible ?

Par Eve
oiseau mort chat
© iStock

Le chat domestique, un prédateur discret mais redoutable

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le chat n’a pas besoin d’avoir faim pour chasser. Même nourri et stérilisé, il reste un prédateur guidé par l’instinct, le mouvement et le territoire. Selon la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), un seul chat domestique tuerait entre 25 et 40 proies par an. Ce chiffre explose chez les chats errants ou harets, qui peuvent capturer entre 200 et 1000 proies annuelles.

L’impact devient saisissant quand on le met à l’échelle : la France compte environ 15 millions de chats domestiques. Cela représenterait des centaines de millions d’animaux tués chaque année, principalement des oiseaux, petits mammifères, lézards, grenouilles et insectes.

Une biodiversité en danger dans nos jardins

Les chats ne font pas de distinction entre les espèces banales et celles protégées. Des oiseaux communs comme les merles, les rouge-gorges ou les mésanges figurent parmi leurs cibles privilégiées. Mais certaines proies sont plus sensibles encore. Des passereaux insectivores essentiels à l’équilibre naturel, ou des espèces en déclin, comme la fauvette ou le pipit des arbres, subissent des pertes aggravées par la prédation féline.

Dans certains territoires insulaires ou zones naturelles protégées, l’impact est encore plus dramatique. À La Réunion, le Pétrel de Barau, oiseau endémique déjà en danger, est décimé par les chats harets. En métropole, la pression prédatrice du chat est désormais identifiée comme la première cause de mortalité de certaines espèces d’oiseaux en milieu périurbain.

Un tableau qui fait froid dans le dos

Type de chat Nombre estimé en France Nombre moyen de proies/an Types de proies
Chat domestique 15 millions 25 à 40 Oiseaux, mulots, lézards, amphibiens
Chat errant ou haret 1 à 2 millions 200 à 1000 Faune sauvage, espèces protégées ou en déclin
Chat en zone naturelle Non quantifié précisément Parfois >1000 Espèces endémiques (pétrels, reptiles, passereaux)

Une espèce invasive qui échappe à tout contrôle

En écologie, une espèce invasive se caractérise par une introduction dans un milieu où elle n’a pas de prédateur naturel, et où elle perturbe les équilibres locaux. Le chat domestique, introduit partout par l’humain, répond à ces critères, notamment en Australie, où il est accusé de l’extinction de dizaines d’espèces endémiques.

En Europe, la situation est moins extrême mais tout aussi préoccupante. Les chats évoluent en liberté dans des écosystèmes fragiles sans aucun régulateur naturel. Ils s’y reproduisent rapidement et peuvent hybrider avec des espèces protégées, comme le chat forestier européen (Felis silvestris), menaçant sa lignée génétique.

Vers un statut de « nuisible » ?

La question de reclasser le chat comme espèce nuisible ou invasive est désormais posée, avec prudence mais insistance. En France, une telle décision semble aujourd’hui socialement inacceptable, tant l’attachement au chat est fort. Mais dans les zones naturelles sensibles, des associations comme la LPO militent pour un encadrement renforcé : interdiction de laisser errer les chats, obligation de stérilisation, restriction d’accès à certaines réserves.

Le but n’est pas d’interdire le chat, mais d’en limiter l’impact écologique, en particulier là où la faune est déjà menacée.

Des solutions concrètes, encore peu appliquées

Certaines mesures simples sont déjà recommandées, mais restent insuffisamment suivies :

  • Garder son chat à l’intérieur la nuit, moment de chasse privilégié.
  • Mettre un grelot à son collier pour avertir les proies.
  • Éviter de nourrir les chats errants sans les faire identifier.
  • Limiter leur accès aux haies et zones de nidification.
  • Faire stériliser systématiquement les chats non destinés à la reproduction.

Ces gestes ne suppriment pas totalement la prédation, mais peuvent réduire considérablement l’impact environnemental du chat.

Un équilibre à reconstruire entre amour et responsabilité

Le chat n’est pas un ennemi. Il est un animal domestique aimant et légitime dans nos foyers. Mais notre responsabilité est de reconnaître que son mode de vie, quand il n’est pas encadré, peut nuire à l’environnement. Ce n’est pas le chat en tant que tel qui est à blâmer, mais la manière dont nous le laissons agir dans un monde où la nature, elle, n’a plus de refuge.

Dans un contexte de crise écologique majeure, il devient urgent de concilier attachement affectif et conscience écologique. Le chat peut continuer à partager nos vies… à condition qu’on apprenne à le responsabiliser, comme tout autre membre de la société.

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