« Ce qui est naturel n’est pas sans risque » : ces spécialistes tirent la sonnette d’alarme sur les compléments alimentaires

Ils sont en vente libre, affichent des promesses séduisantes — énergie, cheveux plus brillants, meilleure digestion, sommeil réparateur — et sont estampillés « naturels » ou « à base de plantes ». Les compléments alimentaires séduisent un Français sur quatre, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Pourtant, leur consommation banalisée cache des risques trop souvent ignorés. À l’occasion du Printemps de l’esprit critique, des experts de l’Anses ont dressé un tableau sans détour : les compléments alimentaires ne sont pas inoffensifs, certains peuvent provoquer des effets indésirables graves, voire irréversibles. Et surtout, leur efficacité est rarement prouvée.

Par Eve
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© iStock

Des produits en vente libre, mais sans contrôle médical

Contrairement aux médicaments, les compléments alimentaires ne sont pas soumis à une autorisation de mise sur le marché. Les fabricants n’ont pas l’obligation de démontrer l’efficacité, la qualité ou l’innocuité de leurs produits avant commercialisation. Cette légèreté réglementaire alimente un marché dynamique, mais potentiellement dangereux pour les consommateurs mal informés.

« Beaucoup pensent que, parce qu’un produit est naturel, il est inoffensif. Ce n’est tout simplement pas vrai », Irène Margaritis, directrice adjointe de l’évaluation des risques à l’Anses.

Des cas d’effets graves, parfois irréversibles

Si la majorité des consommateurs ne ressentent aucun effet indésirable, des incidents médicaux sévères sont régulièrement recensés. Fanny Huret, chargée du recensement des effets indésirables à l’Anses, cite plusieurs cas marquants :

  • Deux jeunes femmes ayant pris un complément pour la beauté des cheveux ont développé une hépatite aiguë, dont l’une a nécessité une greffe du foie. La cause ? Une interaction avec leur pilule contraceptive.
  • Une autre patiente, sans antécédent, est décédée en 2019 d’une hépatite fulminante après avoir consommé des gélules de Garcinia cambogia, un produit amaigrissant en vente libre.
  • La levure de riz rouge, souvent utilisée contre le cholestérol, est connue pour sa toxicité musculaire et hépatique, surtout en cas de consommation prolongée.

Ces situations ne sont pas isolées. Depuis la mise en place d’un dispositif de surveillance en 2009, près de 10 000 déclarations d’effets indésirables liés à des compléments ont été enregistrées, majoritairement chez des femmes.

Exemples de compléments alimentaires à risque

Substance Allégation courante Risque identifié
Levure de riz rouge Réduction du cholestérol Toxicité hépatique et musculaire
Garcinia cambogia Perte de poids Hépatite, défaillance cardiaque
Vitamine C (surdosage) Renforcement de l’immunité Calculs rénaux
Zinc (surdosage) Fatigue, immunité Troubles digestifs, baisse de l’immunité
Vitamine D (surdosage) Santé osseuse Troubles rénaux chez l’enfant

Des produits illégaux ou frauduleux sur Internet

Autre danger : l’explosion des ventes en ligne. Certains sites peu scrupuleux, souvent hors de l’Union européenne, proposent des produits qui contiennent des substances interdites dans les médicaments. C’est le cas de certaines marques dites “amaigrissantes” comme Trex, retirées du marché français en 2023, qui contenaient un principe actif toxique pour le cœur.

« La traçabilité n’est pas garantie sur ces plateformes. Vous ne savez ni d’où vient le produit, ni ce qu’il contient exactement » Aymeric Dopter, chef de l’unité nutrition à l’Anses.

Les enfants, un public particulièrement vulnérable

Les spécialistes signalent une augmentation inquiétante des cas d’intoxication chez les enfants, en particulier avec les gommes vitaminées, souvent confondues avec des bonbons.

Certaines familles achètent de la vitamine D fortement dosée sur Internet, administrée ensuite à 30 ou 40 fois la dose recommandée, notamment chez les nourrissons. Ce type d’excès met en danger les reins de l’enfant, avec des effets parfois irréversibles.

Quand une complémentation est-elle justifiée ?

Face à cette situation, les experts de l’Anses appellent à une vigilance accrue. Dans la majorité des cas, une alimentation équilibrée couvre les besoins nutritionnels. Cependant, quelques exceptions justifient une complémentation, uniquement sur recommandation médicale :

  • Vitamine B12 pour les personnes végétaliennes, car absente des produits d’origine végétale.
  • Vitamine B9 (acide folique) pour les femmes enceintes ou ayant un projet de grossesse.
  • Vitamine D, dans le cadre d’un déficit avéré ou d’une exposition insuffisante au soleil.

En cas de doute : consulter avant d’acheter

Les spécialistes insistent : les compléments alimentaires ne sont pas des médicaments sans ordonnance. Ils ne doivent jamais remplacer un traitement ni être pris à l’aveugle. Le bon réflexe, en cas de fatigue, de trouble digestif ou de baisse d’immunité, reste de consulter un médecin ou un diététicien.

« Il faut sortir de cette logique du réflexe automatique. Ce n’est pas parce qu’on voit un flacon en rayon qu’il est adapté à notre cas », insiste Aymeric Dopter.

L’Anses rappelle qu’un formulaire de déclaration d’effet indésirable est disponible en ligne, destiné aux professionnels comme aux particuliers.

Globalement, si les compléments alimentaires peuvent avoir une utilité ponctuelle et encadrée, leur usage massif, banalisé et souvent mal informé expose à des risques réels. Ce qui est naturel n’est pas forcément sans danger, et il est urgent de faire preuve de discernement. Dans le doute, le meilleur complément reste un avis médical.

Source : Santé Figaro

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