Alors que l’accès à la santé bucco-dentaire est censé être garanti à tous, les chiffres récents révèlent une hausse préoccupante du renoncement aux soins dentaires en France. Qu’il s’agisse d’un simple détartrage, d’un soin de carie ou d’une prothèse, de plus en plus de Français repoussent ou abandonnent leurs rendez-vous. En toile de fond : une combinaison de raisons économiques, géographiques, psychologiques et administratives, qui rendent l’accès aux soins aussi difficile que décourageant pour de nombreux patients.
Le renoncement aux soins dentaires explose : pourquoi tant de Français évitent encore le dentiste
Des chiffres qui inquiètent les professionnels
Selon les dernières enquêtes de l’Assurance maladie et de l’UFC-Que Choisir, près d’un Français sur trois a déjà renoncé à un soin dentaire au cours des deux dernières années. Chez les populations les plus précaires ou les plus âgées, ce chiffre grimpe à près d’un sur deux.
Dans les territoires ruraux ou les zones dites “sous-denses”, les délais pour obtenir un rendez-vous peuvent atteindre plusieurs mois, en particulier pour les spécialistes comme les chirurgiens-dentistes implantologues. Et même dans les grandes villes, le coût reste un frein majeur : une prothèse peut dépasser les 1 000 euros, avec un reste à charge encore élevé malgré les réformes.
Une question de coût, mais pas seulement
Le facteur économique est souvent mis en avant, à juste titre. Pourtant, d’autres raisons s’entremêlent et aggravent le phénomène :
- La peur du dentiste, encore très répandue, en particulier chez les adultes ayant connu des soins douloureux dans leur enfance.
- La perte d’habitude de consulter régulièrement, notamment après la fin du suivi pédiatrique chez l’orthodontiste.
- Le manque d’information sur les offres de soins accessibles (comme le 100 % santé) ou les dispositifs d’aide pour les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS).
- Des parcours de soins trop complexes, où il faut souvent enchaîner plusieurs rendez-vous, spécialistes et devis, parfois sans explication claire.
Selon la Haute Autorité de Santé, le système dentaire français reste encore trop fragmenté et centré sur la réparation, au lieu d’adopter une vraie approche préventive.
Quand ne pas soigner ses dents revient bien plus cher
Le renoncement aux soins dentaires n’est jamais anodin. Une carie non soignée peut évoluer en infection, nécessiter un traitement de racine, voire l’extraction de la dent. Un déchaussement peut entraîner une perte osseuse et rendre impossible la pose d’un implant.
Et ces complications coûtent cher. À titre d’exemple :
- Une carie traitée à temps : 60 à 90 euros
- Une couronne céramique : jusqu’à 600 euros
- Un implant dentaire : entre 1 500 et 2 500 euros, rarement pris en charge
Le tableau suivant résume bien l’évolution des coûts en cas de soins retardés :
Problème non traité | Conséquence | Coût moyen final |
---|---|---|
Carie | Infection, abcès | 600 € à 1 000 € |
Gingivite | Parodontite | 1 000 € à 3 000 € (traitement long) |
Dent cassée | Perte de dent | Jusqu’à 2 500 € (implant) |
Des freins psychologiques encore trop sous-estimés
La dentophobie, ou peur du dentiste, est une réalité vécue par près d’un Français sur quatre. Elle peut aller d’un simple malaise à une phobie paralysante, renforcée par le bruit des instruments, les souvenirs douloureux, ou la sensation de perte de contrôle dans le fauteuil.
Certains patients développent même une honte de l’état de leur bouche, ce qui les pousse à s’isoler et à éviter tout contact médical. Le regard du praticien, redouté à tort, devient un frein puissant.
Des cabinets proposent aujourd’hui une approche plus douce : premiers rendez-vous sans soin, techniques d’hypnose ou de sédation consciente, accueil sans jugement. Mais ces démarches restent encore marginales.
Des pistes pour améliorer l’accès aux soins
Face à ce constat, plusieurs solutions sont à l’étude ou déjà mises en place :
- Le dispositif 100 % santé, qui permet d’accéder à des couronnes, bridges et dentiers sans reste à charge. Encore mal connu, il mérite d’être promu davantage.
- Les bus dentaires itinérants, présents dans certains départements, qui vont à la rencontre des patients éloignés des centres urbains.
- Le développement de la télédentisterie, pour établir des diagnostics à distance ou orienter les patients vers les bons spécialistes.
- L’intégration de la prévention dentaire dans le parcours de soin général, dès l’école, au même titre que la vue ou l’audition.
Enfin, une meilleure information du grand public sur les risques du renoncement, sur les aides disponibles et sur les démarches simplifiées permettrait de lever bien des freins.
Refuser les soins dentaires, c’est souvent par contrainte, rarement par choix. Derrière chaque rendez-vous reporté se cache une réalité humaine, économique ou psychologique qu’il est urgent de prendre en compte. La santé bucco-dentaire n’est pas un luxe : elle est la condition de base pour bien manger, bien parler, sourire… et vieillir dignement.