Avec l’âge, la tentation de renforcer sa vitalité, soulager ses douleurs articulaires ou compenser des carences devient plus forte. Résultat : de plus en plus de seniors ont recours aux compléments alimentaires, souvent sans avis médical. Gélules de collagène, capsules de curcuma ou comprimés de magnésium s’accumulent dans les armoires à pharmacie, portés par des promesses de mieux-être et un marketing habile. Mais cette habitude, a priori anodine, n’est pas sans risques. En 2024, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a renouvelé ses mises en garde sur l’automédication, notamment chez les plus de 60 ans, appelant à la vigilance sur certains produits très populaires.
Collagène, curcuma, magnésium… L’Anses met en garde contre l’automédication fréquente chez les seniors
Une pratique en plein essor, mais peu encadrée
Selon une enquête menée par Santé Publique France, près de 60 % des personnes de plus de 60 ans déclarent avoir déjà pris un complément alimentaire, la plupart du temps sans prescription ni suivi médical. Le phénomène est alimenté par des messages flous mais séduisants : "renforce l’immunité", "soutient la fonction articulaire", "lutte contre la fatigue".
Le problème ? Les effets de ces produits dépendent fortement du contexte de santé de chacun, de leurs traitements en cours et de la qualité des compléments eux-mêmes. Et les seniors sont particulièrement vulnérables aux interactions médicamenteuses ou aux surdosages en micronutriments.
Le curcuma : une plante aux vertus, mais pas sans danger
Utilisé depuis des siècles pour ses propriétés anti-inflammatoires, le curcuma est aujourd’hui présent dans de nombreux compléments articulaires ou digestifs. Or, l’Anses a recensé une centaine de signalements d’effets indésirables liés à sa consommation en gélule ou extrait concentré, dont 15 cas d’hépatite grave.
Les formulations qui associent curcuma et pipérine (issue du poivre noir) pour en augmenter l’absorption posent particulièrement problème. En effet, elles modifient le métabolisme hépatique, ce qui peut entraîner des interactions avec de nombreux médicaments, notamment les anticoagulants ou les traitements contre le diabète.
L’Anses recommande donc une grande prudence, en particulier pour les personnes sous traitement, souffrant de troubles hépatiques ou âgées.
Le collagène : des attentes élevées, peu de preuves
Autre produit très plébiscité : le collagène, présenté comme un rempart contre le vieillissement cutané, la perte de tonicité et les douleurs articulaires. Si quelques études suggèrent une amélioration modeste de l’élasticité de la peau ou de la souplesse articulaire, les preuves restent limitées, souvent issues de travaux financés par les fabricants.
De plus, le collagène ingéré est décomposé en acides aminés comme n’importe quelle protéine. Rien ne garantit qu’il sera réutilisé sous forme de collagène par l’organisme, ni qu’il ciblera les tissus souhaités.
Le risque principal ? Celui de détourner l’attention d’approches réellement efficaces, comme l’exercice physique ou une alimentation équilibrée.
Le magnésium : utile, mais pas systématique
Le magnésium reste l’un des minéraux les plus consommés sous forme de supplément, notamment pour prévenir la fatigue, calmer le stress ou limiter les crampes. Il est vrai que certaines personnes âgées peuvent présenter des déficits modérés, surtout en cas de troubles digestifs ou d’alimentation peu variée.
Mais la supplémentation ne doit pas être systématique : un excès de magnésium peut entraîner des diarrhées, des nausées, voire des interactions avec certains médicaments diurétiques ou antibiotiques. L’Anses insiste sur l’importance de valider toute supplémentation par un professionnel de santé, et de privilégier l’apport alimentaire en premier lieu.
Tableau récapitulatif : compléments populaires, effets et précautions
Complément | Objectif visé | Risque principal | Conseil de l’Anses |
---|---|---|---|
Curcuma (curcumine) | Inflammations, digestion | Hépatite, interactions médicamenteuses | Éviter les formes concentrées, prudence si traitement en cours |
Collagène | Peau, articulations | Efficacité non prouvée, espoir déçu | Privilégier protéines alimentaires, activité physique |
Magnésium | Fatigue, stress, crampes | Diarrhée, interactions avec certains médicaments | À envisager en cas de carence prouvée, sur avis médical |
Privilégier le naturel, bien encadré
La prise de compléments alimentaires n’est pas anodine. Elle peut être bénéfique, mais uniquement dans des situations précises, validées par un professionnel de santé et avec un suivi régulier. L’Anses insiste : "Un complément, même naturel, peut avoir des effets pharmacologiques et interférer avec un traitement."
Mieux vaut donc :
- Faire un point régulier avec son médecin ou pharmacien,
- Éviter les achats en ligne non encadrés,
- Lire attentivement les étiquettes (dosages, interactions, contre-indications),
- Et surtout, ne pas cumuler les produits à la légère.
L’équilibre alimentaire, l’activité physique adaptée et un suivi médical régulier restent les piliers d’un vieillissement en bonne santé. Les compléments ne doivent jamais les remplacer, mais parfois les compléter — avec prudence et discernement.