Une analyse à grande échelle qui fait froid dans le dos
Entre février et mars 2025, 40 catalogues promotionnels émanant des cinq principales enseignes françaises — Carrefour, Intermarché, Leclerc, Lidl et Coopérative U — ont été passés au crible. Ce travail a porté sur 4 726 promotions, analysées au regard des repères du Programme National Nutrition Santé (PNNS 4).
Le résultat est accablant :
- Seules 12 % des promotions concernent des produits recommandés comme les fruits, les légumes ou les céréales complètes.
- 66 % des promotions concernent des produits que la santé publique recommande de limiter : aliments trop sucrés, trop gras, trop salés.
- Le reste se compose d'aliments dits "neutres", à consommer de manière modérée comme les produits laitiers ou le poisson.
Autrement dit, près de 9 promotions sur 10 sont mal orientées du point de vue de la santé publique. Ce chiffre suffit à démontrer l’écart dramatique entre marketing et santé.
Une mécanique bien huilée… pour inciter à consommer plus
Au-delà de la nature des produits promus, l’enquête révèle la manière dont ces promotions sont construites. La majorité ne cherche pas simplement à réduire le prix unitaire. Elle vise surtout à augmenter le volume acheté, avec des formats du type « 2+1 offert », « lot familial » ou « 50 % sur le deuxième produit ».
Ce système favorise particulièrement les catégories déjà problématiques : boissons sucrées, charcuteries, biscuits apéritifs, plats préparés… Au final, on pousse les consommateurs à acheter plus de produits mauvais pour leur santé, sous couvert d’économies.
Et l’ironie ne s’arrête pas là : ces promotions sont souvent présentées comme un geste pour le pouvoir d’achat, alors qu’elles encouragent une surconsommation inutile, voire néfaste.
Une situation à rebours des attentes citoyennes
Foodwatch pointe aussi du doigt le double discours des distributeurs, qui se disent engagés pour le "mieux manger", tout en structurant leurs campagnes commerciales autour des produits ultra-transformés.
Et cela, malgré la demande massive de changement de la part des consommateurs :
- 88 % des Français sont favorables à ce que les supermarchés mettent en avant des produits bons pour la santé dans leurs promotions.
- 89 % estiment même que cela devrait être une obligation.
Il y a donc un fossé entre les promesses marketing et la réalité des rayons.
Répartition des promotions par type de produit (selon Foodwatch, 2025)
Catégorie de produit |
Part des promotions (%) |
Statut nutritionnel (PNNS) |
Fruits, légumes, céréales complètes |
12 % |
Produits "à augmenter" |
Charcuterie, plats préparés, snacks salés |
17 % |
Produits "à limiter" |
Boissons sucrées, biscuits, viennoiseries |
21 % |
Produits "à limiter" |
Produits laitiers, poisson, autres “modérés” |
11 % |
Produits "à consommer avec modération" |
Autres produits ultra-transformés (barres, sauces…) |
29 % |
Majoritairement "à limiter" ou non classés |
Produits bio (hors ultra-transformation) |
1 % |
Généralement plus favorables à la santé |
Promotions non alimentaires ou neutres |
9 % |
Hors champ nutritionnel |
Une responsabilité systémique
L’enquête de Foodwatch met en lumière un système de distribution biaisé, où l’environnement alimentaire proposé aux consommateurs favorise systématiquement les mauvais choix. Les produits sains sont peu mis en avant, souvent plus chers, et presque jamais en promotion. Inversement, les produits ultra-transformés sont omniprésents et fortement valorisés.
Les auteurs du rapport rappellent que l’alimentation est un déterminant majeur de la santé publique, impliqué dans les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2, certains cancers et l’obésité. Selon eux, les pratiques commerciales actuelles alimentent directement ces pathologies.
Foodwatch appelle à une réforme ambitieuse
Face à ce constat, Foodwatch et ses partenaires exigent que :
- 50 % des promotions soient dédiées à des produits "à augmenter" selon le PNNS.
- 10 % des promotions soient réservées aux produits bio non ultra-transformés.
- Une meilleure transparence soit exigée sur la construction des prix et des marges.
- Les pouvoirs publics s’emparent de ce levier pour corriger une injustice alimentaire majeure.
Manger sain ne doit pas être un luxe, encore moins un combat individuel contre des logiques de rentabilité. Dans ce jeu déséquilibré, ce sont les enseignes qui ont la main.
Et selon Foodwatch, elles laissent trop souvent tomber la santé… au profit du volume.