C’est une évolution majeure pour des millions d’actifs. Le gouvernement l’a confirmé : la retraite progressive sera généralisée à partir de l’été 2025, et accessible dès 60 ans, non seulement aux salariés du secteur privé, mais aussi aux fonctionnaires et travailleurs indépendants. Ce mécanisme, longtemps cantonné à certains profils, devient un véritable outil de gestion de fin de carrière à l’échelle nationale. Il permettra de travailler à temps partiel tout en percevant une fraction de sa pension de retraite, tout en continuant à cotiser pour améliorer ses droits.
Le gouvernement confirme le déploiement de la retraite progressive dès 60 ans pour les salariés du privé mais aussi les fonctionnaires : quelles sont les conséquences ?
Une extension très attendue du dispositif
Jusqu’ici, la retraite progressive était accessible aux seuls salariés du privé affiliés à la CNAV, à condition de passer à temps partiel. Les agents publics — enseignants, hospitaliers, territoriaux ou fonctionnaires d’État — en étaient exclus, tout comme certains indépendants.
À compter de l’été 2025, ce sera terminé. La réforme prévoit :
- L’unification du dispositif pour tous les régimes alignés,
- L’ouverture du droit à partir de 60 ans (soit 4 ans avant l’âge légal de 64 ans),
- Un accès élargi aux fonctions publiques : État, hospitalière, territoriale,
- Une intégration des régimes spéciaux encore actifs, dans la mesure du possible,
- Et le maintien de l’acquisition de droits pendant la période de retraite progressive.
Conditions d’éligibilité (inchangées ou ajustées)
Pour entrer dans la retraite progressive, il faudra toujours :
- Avoir 60 ans minimum,
- Avoir 150 trimestres de retraite validés (tous régimes confondus),
- Exercer une activité réduite entre 40 % et 80 % d’un temps plein,
- Et, pour les salariés, obtenir l’accord de l’employeur pour passer à temps partiel.
Dans la fonction publique, ce passage devra respecter les statuts particuliers (notamment les règles liées au temps partiel sur autorisation). Un décret fixera les modalités précises pour chaque fonction publique.
Comment est calculée la pension partielle versée ?
Pendant la période de retraite progressive, le calcul de la pension se fait comme s’il s’agissait d’une retraite classique, mais au prorata du temps non travaillé. En clair, vous percevez :
- Une fraction de votre pension de base,
- Une fraction de votre retraite complémentaire, si vous y avez droit (Agirc-Arrco pour les salariés, RAFP pour les fonctionnaires…),
- Et votre salaire à temps partiel.
L'avantage, c'est que vous continuez à acquérir des droits pendant cette période :
- Chaque mois travaillé compte pour votre retraite définitive,
- Vous validez des trimestres,
- Et vous engrangez des points supplémentaires pour votre retraite complémentaire.
Exemple concret : ce que vous pourriez toucher
Un salarié de 61 ans passe à mi-temps. Il a acquis suffisamment de trimestres et demande la retraite progressive.
- Il continue à percevoir 50 % de son salaire.
- Il reçoit 50 % de la pension de retraite qu’il aurait touchée à 64 ans, selon ses droits à date.
- Pendant ce temps, il continue à cotiser, ce qui augmente sa pension future.
À la fin de la période de retraite progressive (ex. à 64 ans), il bascule automatiquement en retraite complète, avec une pension recalculée intégrant les nouveaux droits acquis.
Comparatif : retraite classique vs retraite progressive
Critère | Retraite classique | Retraite progressive |
---|---|---|
Âge d’accès | Dès l'âge légal (64 ans en 2025) | Dès 60 ans, avec 150 trimestres |
Statut | Fin définitive de l’activité | Activité partielle maintenue |
Perception de la pension | Pension complète (selon droits acquis) | Fraction de la pension (proportionnelle au temps non travaillé) |
Cotisation retraite | Non (sauf cumul emploi-retraite sous conditions) | Oui : acquisition de trimestres et points complémentaires |
Temps de travail | Aucun | Temps partiel entre 40 % et 80 % d’un temps complet |
Accord de l’employeur requis ? | Non | Oui, pour le passage à temps partiel |
Fiscalité | Pension imposable | Pension progressive et salaire imposables |
Reversibilité | Non (retraite définitive) | Oui : possibilité de revenir à temps plein (sous conditions) |
Durée maximale | Non applicable | Jusqu’au départ en retraite complète (ex : jusqu’à 64 ans) |
Scénario-type : retraite progressive entre 60 et 64 ans
Profil fictif :
- Claire, 60 ans, enseignante dans le public
- Temps plein : 2 600 € nets/mois
- Pension estimée à 64 ans : 1 900 € nets/mois
Option : retraite progressive à 60 ans à mi-temps (50 %)
Âge | Temps de travail | Salaire net | Part de retraite versée | Total perçu/mois | Conséquence |
---|---|---|---|---|---|
60 ans | 50 % | 1 300 € | 950 € (50 % de 1 900 €) | 2 250 € | Commence à toucher une part de sa retraite |
61 ans | 50 % | 1 300 € | 950 € | 2 250 € | Continue à cotiser pour augmenter sa retraite |
62 ans | 50 % | 1 300 € | 950 € | 2 250 € | Prolonge à mi-temps, augmente ses droits |
64 ans | Retraite complète | — | 2 000 € (pension recalculée avec les trimestres cotisés en +) | 2 000 € | Fin de l’activité, départ en retraite définitive |
Gain estimé par rapport à un arrêt d’activité immédiat à 60 ans :
- +4 années de cotisation,
- Pension finale plus élevée (environ +100 €/mois dans cet exemple),
- Maintien d’un revenu proche du salaire initial tout en réduisant le temps de travail.
Les apports de cette réforme pour les fonctionnaires
L’extension aux fonctionnaires est une avancée de taille. Elle ouvre enfin une porte à ceux :
- Qui subissent une fatigue professionnelle en fin de carrière (enseignants, soignants, territoriaux…),
- Qui ne remplissent pas les conditions du départ anticipé pour carrière longue ou pénibilité,
- Ou qui souhaitent aménager leur sortie du monde du travail, sans perte immédiate de revenu.
Les employeurs publics devront toutefois gérer cette transition, avec des demandes de passage à temps partiel plus nombreuses, et des ajustements dans les services.
Les limites à connaître
La retraite progressive ne sera pas toujours simple à mettre en œuvre :
- Elle nécessite une demande formelle auprès de la caisse de retraite concernée (CNAV, SRE, CNRACL…),
- Elle ne garantit pas un droit automatique au temps partiel : les employeurs peuvent refuser dans certaines situations,
- Le cumul salaire + retraite partielle peut rester modeste, surtout pour les petites pensions.
De plus, elle ne suspend pas l’imposition : la pension progressive est imposable comme une retraite classique.
Pourquoi ce dispositif est stratégique pour l’État ?
En encourageant les départs progressifs :
- L’État allège la pression immédiate sur les caisses de retraite,
- Il allonge la durée d’activité partielle, sans coûter autant qu’un départ total,
- Et il favorise le maintien dans l’emploi des seniors, enjeu majeur de la politique actuelle de l’emploi.
Cela permet aussi de limiter l’usure professionnelle pour ceux qui ne peuvent pas bénéficier des dispositifs de départ anticipé.
Une mesure qui va potentiellement changer la fin de carrière de millions de Français
Avec l’extension de la retraite progressive dès 60 ans à l’ensemble des actifs, le passage à la retraite ne sera plus un saut dans le vide, mais une transition pilotée. Ce nouveau droit, accessible dès l’été 2025, marque un tournant dans la gestion des fins de carrière en France.
Reste à voir si les employeurs – publics comme privés – joueront le jeu, et si les actifs s’approprieront cette option qui conjugue souplesse et continuité des droits.