Angoisses, urgences, solitude : Santé publique France tire la sonnette d’alarme chez les 18-24 ans

Ils consultent plus souvent pour détresse psychique, arrivent aux urgences avec des idées suicidaires, et expriment une souffrance diffuse mais profonde. Santé publique France alerte dans son dernier bulletin : la santé mentale des jeunes adultes est en nette dégradation, une tendance préoccupante qui s’installe dans la durée.

Par Eve
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Une santé mentale qui se dégrade depuis plusieurs années

Depuis la crise sanitaire de 2020, les indicateurs de santé mentale chez les jeunes adultes se sont dégradés de façon continue. Le dernier bulletin mensuel de Santé publique France, publié en avril 2025, dresse un état des lieux sans équivoque : les 18-24 ans sont aujourd’hui la tranche d’âge la plus exposée aux troubles anxieux et dépressifs.

Les passages aux urgences pour gestes ou idées suicidaires sont en hausse significative, tout comme les consultations chez SOS Médecins pour états dépressifs, troubles du sommeil ou angoisses. Ces signaux, croisés avec les données d’enquêtes de santé, dessinent le profil d’une génération en grande fragilité psychologique.

Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes

Loin d’être une perception isolée, cette dégradation est documentée et suivie de près par les épidémiologistes. Voici un tableau des principaux indicateurs relevés par Santé publique France :

Indicateur Tendance / Valeur actuelle Observation
Passages aux urgences pour idées suicidaires (18-24 ans) +22 % par rapport à début 2024 Tendance continue à la hausse depuis 2021
Consultations SOS Médecins pour états anxieux +18 % chez les 18-34 ans Augmentation régulière depuis trois ans
Auto-évaluations de bien-être mental (enquêtes) 1 jeune sur 3 se dit en souffrance psychique Résultat inquiétant d’enquêtes nationales (baromètre CoviPrev)
Proportion des troubles du sommeil déclarés 44 % chez les 18-24 ans Très supérieur à la moyenne nationale
Accès à une prise en charge psychologique Insuffisant, délais de rendez-vous très longs Frein majeur à l’amélioration de la situation

Un cumul de facteurs à l’origine du malaise

Cette crise de santé mentale ne peut être réduite à un seul facteur. Elle est le fruit d’un faisceau d’éléments sociaux, économiques et environnementaux. Santé publique France identifie plusieurs causes majeures :

  • La précarité étudiante et l’incertitude face à l’avenir professionnel.
  • L’isolement social, aggravé par les confinements successifs puis la normalisation du repli numérique.
  • La surcharge cognitive liée aux réseaux sociaux, souvent source de comparaison permanente et de dévalorisation de soi.
  • L’absence d’un accès rapide à des soins psychologiques, notamment dans les centres universitaires ou les villes de taille moyenne.

À cela s’ajoute une plus grande propension des jeunes à exprimer leur mal-être, ce qui rend visible une souffrance autrefois silencieuse mais aujourd’hui impossible à ignorer.

Une réponse institutionnelle encore trop timide

Face à ce constat, les politiques publiques peinent à répondre à la hauteur de l’enjeu. Bien que des dispositifs aient été mis en place, comme le "chèque psy étudiant" ou la mobilisation de psychologues en milieu universitaire, les délais d’attente pour un premier rendez-vous peuvent atteindre plusieurs semaines, voire des mois.

Les associations étudiantes et de prévention alertent depuis plusieurs années sur la nécessité d’un plan structurant et ambitieux pour la santé mentale des jeunes, qui ne repose pas uniquement sur des mesures ponctuelles ou conjoncturelles.

De nombreux professionnels de santé dénoncent également une désaffection pour les métiers de la psychiatrie, qui limite les possibilités de suivi, notamment dans le cadre de troubles complexes ou chroniques.

Une urgence sanitaire et sociale

La santé mentale des jeunes ne peut plus être traitée comme une variable secondaire, souligne Santé publique France. Le mal-être psychologique a des répercussions directes sur la réussite scolaire, la socialisation, l’insertion professionnelle et l’état de santé général. Il est aussi un facteur de risque pour les conduites addictives, les ruptures de parcours, voire le passage à l’acte suicidaire.

Il est donc impératif d’agir à tous les niveaux : éducation, prévention, accès aux soins, accompagnement social. Cela suppose un effort collectif, coordonné, et porté par une volonté politique forte.

Accompagner, prévenir, déstigmatiser

Dans ses recommandations, Santé publique France insiste sur la nécessité de renforcer les moyens alloués à la santé mentale, notamment en facilitant l’accès à des psychologues de proximité, en soutenant les lieux d’accueil jeunes et en intégrant la santé psychique dans les politiques de jeunesse.

La lutte contre la stigmatisation des troubles mentaux est également un levier clé. Il s’agit d’encourager les jeunes à consulter sans crainte du jugement, et de former les professionnels de terrain à détecter les signaux faibles.

Les données sont claires : la détresse psychologique des jeunes adultes n’est ni passagère ni marginale. Elle exige une réponse systémique, structurée et urgente.

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