C’est un tournant discret mais potentiellement majeur pour des milliers de salariés : à partir de septembre 2025, la retraite progressive va bénéficier d’une réforme importante qui vise à faciliter la transition entre vie active et retraite complète. Longtemps méconnu ou difficile d’accès, ce dispositif s’apprête à devenir un outil central pour aménager la fin de carrière sans pénaliser le pouvoir d’achat. Focus sur les nouvelles règles qui s’appliqueront aux salariés du public comme du privé, et sur les bénéfices concrets pour les plus de 60 ans.
Retraite progressive : que réserve cette nouvelle réforme pour les seniors dès septembre 2025 ?
Une réforme pour sortir de la logique tout ou rien
Aujourd’hui encore, la fin de carrière est souvent vécue comme un basculement brutal, entre activité à temps plein et inactivité totale. Ce modèle binaire, dénoncé comme une « spécificité française » par la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, explique en partie le désintérêt pour la retraite progressive, utilisée chaque année par moins de 0,5 % des retraitants.
La réforme adoptée en mai 2025 entend renverser cette tendance. Elle s’appuie sur les accords interprofessionnels signés en novembre 2024 et transpose plusieurs engagements visant à revaloriser le travail des seniors, tout en les incitant à rester en emploi plus longtemps. L’objectif : offrir plus de souplesse, plus de visibilité et moins de perte de revenus.
Le principe de la retraite progressive, élargi à tous
Le dispositif repose sur une idée simple : permettre de réduire son activité professionnelle tout en percevant une partie de sa pension. Jusqu’ici réservé à certains salariés du privé, il sera désormais ouvert à tous les actifs, y compris les fonctionnaires, indépendants et salariés multi-employeurs. Cette généralisation à partir du 1er septembre 2025 est l’un des changements majeurs de la réforme.
Les conditions d’accès sont également assouplies :
- Âge minimum requis : 60 ans (contre 62 auparavant pour certains régimes)
- Durée de cotisation : 150 trimestres validés, tous régimes confondus
- Temps de travail : compris entre 40 % et 80 % d’un temps complet (ou 50 % à 90 % dans la fonction publique)
Tableau récapitulatif des nouvelles conditions d’accès
Critères | Avant réforme | Après réforme (sept. 2025) |
---|---|---|
Bénéficiaires | Salariés du privé | Tous les actifs (privé, public, etc.) |
Âge d’ouverture | 60 à 62 ans selon le régime | 60 ans pour tous |
Trimestres requis | 150 (inchangé) | 150 |
Temps de travail autorisé | 40 % à 80 % | 40 % à 80 % (50-90 % pour les fonctionnaires) |
Une incitation financière pensée pour ne pas pénaliser
L’un des freins historiques à la retraite progressive résidait dans la baisse de revenus liée au passage à temps partiel. Pour répondre à cette inquiétude, la réforme introduit la possibilité de percevoir par anticipation la prime de départ à la retraite.
Concrètement, un salarié qui passe à 70 % de son temps de travail pourra, via un accord d’entreprise, recevoir chaque mois une fraction de sa prime de départ, pour compenser la perte de salaire. Cette somme sera ensuite régularisée lors du départ définitif à la retraite.
Un exemple cité par le gouvernement illustre le principe : un ouvrier de 60 ans, avec 30 ans d’ancienneté, passe à 70 % de son temps de travail en janvier 2026. Plutôt que d’attendre deux ans pour toucher son indemnité de départ, son employeur lui verse progressivement la somme, améliorant ainsi ses revenus mensuels tout en réduisant sa charge de travail.
Des refus plus difficiles pour les employeurs
Autre avancée de taille : l’employeur ne pourra plus refuser sans justification une demande d’aménagement du temps de travail. Il devra désormais démontrer que l’absence partielle du salarié met en péril l’organisation du service ou qu’un remplacement est impossible. En l’absence d’argument sérieux, l’entreprise sera tenue d’accepter.
Cette mesure vise à limiter les blocages, encore fréquents dans les entreprises où la culture du temps partiel en fin de carrière reste marginale.
Des bénéfices multiples pour les seniors… et pour les entreprises
En favorisant une sortie progressive du monde du travail, la réforme ambitionne plusieurs effets vertueux :
- Limiter le recours aux dispositifs de rupture anticipée (ruptures conventionnelles, inaptitudes, chômage senior)
- Préserver l’expertise des salariés expérimentés
- Mieux préparer la transmission des savoirs en entreprise
- Améliorer la qualité de vie au travail pour les plus de 60 ans
Cette flexibilité nouvelle pourrait aussi réduire l’usure professionnelle et le nombre de départs contraints, notamment dans les métiers physiques ou en tension.
Une entrée en vigueur rapide et attendue
Le texte de loi a été présenté au Conseil des ministres le 7 mai 2025, avec un passage au Sénat prévu le 5 juin. Sauf retard parlementaire, la réforme entrera en vigueur dès le 1er septembre 2025, en même temps que les décrets d’application liés à la retraite progressive.
Les premiers bénéficiaires pourront ainsi effectuer leur demande dès la rentrée, via une procédure simplifiée en ligne, déjà testée depuis février pour les demandes classiques.
Une évolution majeure pour la fin de carrière
En élargissant et sécurisant la retraite progressive, cette réforme marque un changement culturel profond : celui d’une fin de carrière plus souple, plus choisie et moins subie. Elle permet aux seniors de rester actifs à leur rythme, sans sacrifier leurs droits ni leur équilibre de vie.
C’est une opportunité à saisir, à condition d’être accompagné et bien informé. Le succès du dispositif dépendra aussi de l’engagement des entreprises à jouer le jeu de la transition professionnelle avec intelligence et anticipation.