La réforme de l’assurance chômage, qui durcit de nombreuses règles, devrait entrer en vigueur le 1er juillet 2024. Parmi les mesures annoncées, figure un dispositif destiné à favoriser le retour à l’emploi des seniors. Comment fonctionne ce « bonus emploi senior » et qui peut y prétendre ? Ce mécanisme répond-il aux objectifs que s’est fixés le gouvernement en matière d’emploi des travailleurs plus âgés ?
Assurance chômage : qu’est-ce que le bonus emploi senior de la réforme ?
Qu'est-ce que le bonus emploi senior ?
Qui est concerné ?
Ce dispositif, qui devrait être mis en place le 1er décembre 2024, concerne les salariés :
- Âgés d'au moins 57 ans et se trouvant au chômage.
- Retrouvant un emploi moins rémunéré que leur travail précédent.
Le principe
Les salariés dans cette situation pourront cumuler leur nouvelle rémunération avec une partie de leur allocation chômage, de manière à atteindre le salaire qu'ils touchaient dans leur ancien emploi. La durée du dispositif est limitée à un an. Enfin, le montant de l'allocation chômage s'ajoutant au salaire ne pourra pas dépasser 3 000 euros.
La mesure a été prise pour faciliter le retour à l'emploi des seniors et stimuler l'activité économique, notamment en luttant contre le chômage. En effet, le gouvernement compte qu'avec ce système, qui permet aux seniors de retrouver un salaire équivalent à celui de leur dernier emploi, ils accepteront plus facilement des emplois moins bien rémunérés. La mesure préserve en effet leur sécurité financière.
Le bonus emploi senior est aussi destiné à compenser le durcissement des règles concernant l'indemnisation des seniors. En effet :
- Ils n'auront droit qu'à 22,5 mois d'indemnisation au lieu de 27 mois.
- Ils devront attendre 57 ans, et non plus 55 ans, pour bénéficier de cette durée d'indemnisation.
Un exemple concret
Un demandeur d'emploi est indemnisé à hauteur de 1 400 euros. Il touchait 2 500 euros dans son emploi précédent. Il trouve un nouveau travail, où on lui propose un salaire de 2 000 euros.
Il pourra prélever 500 euros sur son allocation chômage. En les ajoutant à son nouveau salaire de 2 000 euros, il pourra toucher 2 500 euros, soit la même rémunération que dans son précédent emploi.
De meilleures conditions de cumul emploi-chômage
La création de ce bonus n'est pas la première initiative en matière de cumul emploi-chômage. En effet, cette possibilité existe déjà, mais elle est moins favorable pour le salarié.
Actuellement, le calcul de l'allocation à verser, en complément du salaire, est effectué par France Travail. Il correspond au montant mensuel de l'allocation chômage, de laquelle on retranche 70 % du montant du salaire brut touché dans le nouvel emploi. Et la somme atteinte ne doit pas dépasser le montant du salaire brut perçu dans le dernier emploi.
Le dispositif actuel ne permet d'ajouter que 30 % de son allocation chômage à son nouveau salaire. D'après le gouvernement, le bonus emploi senior permettra un doublement de ce taux. En effet, le salarié pourra cumuler jusqu'à 60 % de son allocation chômage avec son nouveau salaire.
Quels effets peut-on attendre de cette mesure ?
Améliorer le taux d'emploi des seniors
On l'a vu, le gouvernement, et certains acteurs économiques, estiment que l'instauration de ce bonus peut inciter les seniors à retrouver plus vite un nouvel emploi.
Cette mesure serait donc de nature à accroître le taux d'emploi des seniors. Selon les chiffres de la Dares pour 2024, il est seulement de 59,6 %, contre 62,4 % pour la moyenne européenne.
Des conséquences plus négatives
Effets d'aubaine et de substitution
Certains économistes craignent que le bonus emploi senior ne présente certaines limites :
- Certains employeurs pourraient être tentés de n'embaucher les seniors concernés par cette mesure que dans le cadre de CDD d'un an (qui est, rappelons-le, la durée maximale du bonus). Ils pourraient ainsi profiter de l'expertise de salariés expérimentés, mais moins bien payés. C'est ce que les économistes appellent un effet d'aubaine.
- Certaines entreprises préféreront peut-être embaucher un chômeur éligible au dispositif, qui sera plus expérimenté et qu'elles paieront moins qu'un chômeur plus jeune et ne pouvant profiter du bonus. Autrement dit, l'embauche de l'un se substituera à celle de l'autre (d'où le nom d'effet de substitution donné à ce phénomène). Les résultats réels sur la situation de l'emploi seraient donc assez minces.
Naturellement, les entrepreneurs ne partagent guère ce point de vue. Ils rappellent notamment que, compte tenu de l'évolution démographique de notre pays, la population active devrait baisser à partir de 2040, ce qui est confirmé par l'Insee.
Dans ces conditions, il faudra, d'après les chefs d'entreprise, recruter toute la main-d'œuvre disponible, sans faire de distinctions entre les salariés éligibles au dispositif et ceux qui ne le sont pas.
Une mesure impropre à régler le problème du chômage des seniors ?
Certains acteurs économiques estiment que cette mesure, à elle seule, ne suffira pas à favoriser le retour à l'emploi des seniors.
Pour eux, le gouvernement ne considère pas le problème dans son ensemble et ne cherche pas à traiter les causes profondes du chômage des seniors. En effet, les pouvoirs publics ont renvoyé à plus tard l'examen d'un projet de loi global sur le travail.
Il prévoyait notamment des mesures destinées aux seniors, comme l'instauration d'un CDI spécifique et d'un index senior, qui permettait de mesurer la proportion de seniors embauchés dans une entreprise.
Certains soulignent aussi ce qu'ils voient comme un effet pervers de cette mesure. Ils estiment qu'elle tend à dégrader l'image des seniors. En effet, la mise en place de ce bonus peut laisser penser qu'il est légitime de proposer à un senior un salaire moins élevé que celui qu'il touchait dans son précédent emploi.
Si un senior peut toucher une rémunération moindre, cela veut donc dire qu'il était trop payé. C'est du moins l'avis de ceux qui critiquent la mesure. Et ils considèrent que, dans ces conditions, les employeurs auront moins de scrupules à ne pas embaucher ou à licencier des seniors. Un point qui, on l'imagine, n'est pas partagé par les chefs d'entreprise.