La montée en puissance du végétarisme et du véganisme bouleverse nos habitudes alimentaires. Portée par des enjeux environnementaux et de santé, cette transition vers le végétal semble, de prime abord, bénéfique. Pourtant, de nombreuses voix s’élèvent pour alerter sur les dangers d’un pan précis de cette alimentation : les produits végétaux ultratransformés. Parmi elles, celle d’Anthony Fardet, chercheur en alimentation préventive et durable à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), qui met en garde contre une illusion de santé aux conséquences potentiellement graves.
Galettes végétales, steaks de soja… Un chercheur de l’Inrae alerte sur ces aliments végétariens transformés
Une fausse image de santé
Derrière les galettes de légumes, les steaks de soja et les nuggets vegan vendus comme des alternatives saines aux produits carnés, se cache une réalité bien différente. Ces aliments sont en grande majorité ultratransformés, c’est-à-dire qu’ils subissent de nombreuses opérations industrielles qui déstructurent l’aliment d’origine. Leur composition s’éloigne alors de celle des végétaux bruts, en remplaçant les ingrédients naturels par des isolats de protéines, des amidons modifiés, des arômes artificiels, des colorants ou encore des émulsifiants.
« Ces procédés industriels visent avant tout la texture, le goût et la conservation, mais aboutissent à des aliments pauvres en fibres, en vitamines et en éléments protecteurs, souvent trop salés et trop gras », explique Anthony Fardet, auteur de nombreuses études sur le sujet. Ce chercheur milite pour une alimentation basée sur des produits vrais, végétaux et variés, loin des solutions industrielles.
Des aliments peu rassasiants et addictifs
Contrairement à ce que leur marketing suggère, ces aliments végétariens transformés ne rassasient pas durablement. Leur densité énergétique est souvent élevée, et leur faible teneur en fibres limite l’effet de satiété. Résultat : on a tendance à en consommer davantage, ce qui favorise une surconsommation calorique. De plus, certains additifs ou arômes peuvent jouer un rôle excitant sur le système nerveux, renforçant l’envie de remanger.
Ces caractéristiques participent à déséquilibrer le microbiote intestinal, dont le bon fonctionnement est pourtant essentiel à la santé globale : immunité, digestion, régulation du poids et même humeur en dépendent. Or, les études pointent une altération du microbiote chez les consommateurs réguliers d’ultratransformés.
Des chiffres qui inquiètent
Une étude française portant sur plus de 21 000 adultes et publiée dans The Journal of Nutrition a mis en évidence que la part des produits ultratransformés représentait 33 % des apports alimentaires chez les omnivores, contre 37 % chez les végétariens et jusqu’à 39,5 % chez les végétaliens. Une tendance préoccupante, d’autant plus que ces aliments sont souvent perçus à tort comme des choix « santé ».
Plus de 200 études scientifiques internationales ont mis en évidence une corrélation entre la surconsommation de produits ultratransformés et des pathologies chroniques : obésité, diabète de type 2, foie gras, maladies cardio-vasculaires, certains cancers et même dépression. Une autre analyse menée sur 120 000 personnes par des chercheurs britanniques et brésiliens a montré un risque accru de 5 % de maladies cardio-vasculaires et de 12 % de mortalité cardio-vasculaire chez les gros consommateurs d’aliments végétaux industriels.
Comparatif nutritionnel (valeurs moyennes pour 100g)
Type d’aliment | Fibres (g) | Protéines (g) | Additifs | Teneur en sel (g) |
---|---|---|---|---|
Galette végétale industrielle | 2,1 | 13 | Oui | 1,3 |
Steak de soja industriel | 1,5 | 14 | Oui | 1,6 |
Légumes secs cuits maison | 7,5 | 9 | Non | 0,01 |
Tofu artisanal | 2,2 | 10 | Non | 0,02 |
Légumes vapeur nature | 3 à 4 | 1–2 | Non | 0,01 |
Source : données moyennes issues de tables Ciqual et observations produits en grandes surfaces
Mieux manger végétal : des choix simples et éclairés
Face à cette situation, il ne s’agit pas de rejeter le végétal, mais de privilégier la qualité et l’authenticité des produits. Comme le souligne Anthony Fardet, « le problème n’est pas le végétarisme, mais l’ultratransformation ». Son modèle des « 3V » repose sur trois piliers fondamentaux :
- Vrai : des aliments peu ou pas transformés, proches de leur état naturel.
- Végétal : une priorité donnée aux produits issus des plantes.
- Varié : une diversité dans les sources d’aliments pour couvrir tous les besoins nutritionnels.
Ainsi, il est conseillé de cuisiner soi-même ses galettes à base de légumes, de pois chiches, de lentilles, d’herbes fraîches, ou de préférer des produits artisanaux avec peu d’ingrédients. Le tofu, le tempeh, les légumineuses, les céréales complètes et les légumes de saison restent des alliés sûrs et durables pour la santé.
Un choix éthique ne suffit pas : il faut aussi qu’il soit nutritif
Si les motivations écologiques ou éthiques sont louables, elles ne doivent pas faire oublier l’essentiel : la santé. Le piège est de croire qu’un aliment est bon parce qu’il est végétal. Or, comme le rappelle ce chercheur de l’Inrae, « un produit industriel reste un produit industriel, qu’il contienne du soja ou du bœuf ».
L’enjeu est donc de ne pas confondre végétal et vertueux, et de garder un œil critique sur les allégations marketing. Manger végétarien, c’est aussi apprendre à revenir à une cuisine simple, locale et variée, loin des emballages séduisants mais trompeurs.