La loi portant la réforme des retraites, validée par le Conseil constitutionnel et promulguée par le Président de la République, maintient le dispositif destiné aux personnes ayant eu des carrières longues, tout en lui apportant un certain nombre de modifications. Dans le cadre de ce dispositif, la situation des personnes nées en 1962 et 1963 fait l’objet de dispositions particulières, qu’un décret d’application devrait préciser dans les semaines à venir.
Réforme des retraites : l’amendement carrières longues des personnes nées en 62 ou 63
Un amendement spécifique
Un amendement, voté par le Sénat et repris par le gouvernement dans la loi finalement adoptée par l'Assemblée nationale, et promulguée le 15 avril dernier, a pour but de régler la situation particulière de certaines personnes qui, ayant travaillé avant l'âge de 20 ans, sont nées en 1962 ou 1963.
Certaines d'entre elles ont cotisé 4 ou 5 trimestres avant leurs 20 ans et ont réuni les 168 trimestres qui étaient nécessaires dans l'ancien système. Mais, du fait de l'accélération du calendrier lié à la réforme Touraine, elles seraient obligées de reporter leur départ après septembre 2023, alors qu'elles réunissent les conditions pour partir avant.
Cet amendement leur permet de partir en retraite anticipée sans subir de décote et donc en profitant, à titre exceptionnel, des conditions de l'ancien système. Le problème, cependant, est qu'il faudra attendre la publication d'un futur décret d'application pour savoir comment ces mesures seront mises en œuvre.
Il n'est pas rare, en effet, que la loi, fixant les grandes lignes, soit complétée par des décrets d'application.
Ces dispositions sont-elles confirmées par les pouvoirs publics ?
Le gouvernement a-t-il bien l'intention de mettre en place les dispositions prévues par cet amendement ? Interrogé sur ce point, le ministre du Travail répond par l'affirmative.
D'après lui, les personnes nées en 1962 ou 1963 et réunissant les conditions nécessaires pour pouvoir partir à 60 ans, selon les dispositions de l'ancien système, pourront toujours le faire, et bénéficier d'une retraite à taux plein, même si elles font valoir leurs droits après le 1er septembre 2023, date d'entrée en vigueur de la loi.
Une bonne nouvelle pour des personnes qui réuniraient les conditions requises mais, qui n'ayant pas rempli toutes les formalités nécessaires, seraient contraintes de reporter leur départ au-delà de cette date fatidique (mais qui ne l'est donc plus pour elles).
Un départ à taux plein à 60 ans : combien de trimestres ?
Avant la réforme, les personnes nées en 1962 ou 1963, et ayant cotisé 4 ou 5 trimestres avant la fin de leurs 20 ans, n'avaient besoin que de 168 trimestres pour prétendre à un départ anticipé à la retraite à 60 ans.
Mais la réforme Touraine, adoptée en 2014, a prévu une augmentation progressive du nombre de trimestres nécessaires pour y avoir droit. Ainsi, en principe, une personne née en 1962 devait justifier de 169 trimestres cotisés et une personne née en 1963 de 170 trimestres.
Cet amendement devrait donc permettre de maintenir les 168 trimestres pour les personnes réunissant les conditions nécessaires, mais ayant fait valoir leurs droits après le 1er septembre 2023.
Encore des éléments peu clairs
Les explications données par le ministère du Travail ne permettent pas de répondre à toutes les questions posées par le texte. Il reste en effet à éclaircir certains points.
L'un d'eux concerne la durée d'assurance, qui comprend l'ensemble des trimestres cotisés et des périodes assimilées. En effet, certains salariés, nés en 1962 ou 1963, seraient autorisés, à titre dérogatoire, à profiter du dispositif carrières longues avec une durée d'assurance de seulement 168 trimestres.
Ils bénéficieraient d'une retraite à taux plein, mais il n'est pas sûr que la durée d'assurance prise en compte pour le calcul de leur pension corresponde tout à fait à une carrière complète.
Là encore, il faudra attendre le décret d'application pour en savoir davantage, sur ce point et sur d'autres. On en est donc réduit, pour l'instant, à formuler des hypothèses.
Un processus arrêté
Les incertitudes subsistent donc sur la situation des personnes nées en 1962 ou 1963. Ce qui incite les services à la prudence. En effet, ils préfèrent attendre la publication du décret d'application avant de traiter le dossier de ces personnes.
Aussi leurs demandes de partir en retraite de manière anticipée sont-elles pour l'instant laissées sans réponse. La date de parution du décret d'application n'étant pas connue, cette situation pourrait se prolonger durant plusieurs semaines, laissant les personnes concernées dans une attente pénible.
À quelques jours près...
Pour profiter des dispositions prévues par cet amendement intégré à la loi portant réforme des retraites, il faut être né à la bonne date.
En effet, rappelons-le, le but est de permettre à des personnes nées en 1962 ou 1963 de partir à la retraite de manière anticipée, à taux plein, dans les conditions d'avant la réforme.
Mais qu'en est-il pour les personnes nées après le 1er septembre 2023, date d'entrée en vigueur de la loi ? En effet, elles n'auront pas 60 ans à la date fatidique et, du fait de leur date de naissance, pourraient se voir appliquer les dispositions prévues par la nouvelle loi.
Autrement dit, elles devraient peut-être cotiser, non pas 168 trimestres, mais 169 ou 170, selon leur date de naissance. La question a été posée au Ministère sur ce point délicat. Mais il n'a, pour l'heure, donné aucune réponse.
Et les personnes ayant commencé à travailler avant 21 ans ?
On se souvient que la réforme introduit, dans le dispositif des carrières longues, deux nouvelles "bornes d'âge" : 18 et 21 ans. Examinons la situation des personnes ayant cotisé 4 ou 5 trimestres avant la fin de l'année de leurs 21 ans et ayant validé suffisamment de trimestres.
Elles devraient bénéficier, elles aussi, d'un départ anticipé à la retraite. Cet âge, qui entrera en vigueur peu à peu, sera de 63 ans.
Il est vrai que, pour une personne née en 1962, l'avantage semble assez mince. En effet, si elle réunit les conditions requises, elle pourra, en principe, partir en retraite à 62 ans et demi.
Là encore, cependant, la question du nombre de trimestres à valider n'est pas entièrement tranchée.