La Miviludes s’alarme : ces pratiques douteuses s’installent au cœur des hôpitaux publics

Soins énergétiques, séances de Reiki, magnétisme ou encore bols tibétains… Ces pratiques que l’on croyait réservées à des cercles privés ou alternatifs se retrouvent désormais dans les couloirs mêmes des hôpitaux publics. Un glissement préoccupant, selon la Miviludes, qui appelle à une vigilance urgente.

Par Eve
miviludes alertes hopital
© iStock

Une progression silencieuse mais massive dans les hôpitaux

Depuis plusieurs années, les pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) ont progressivement trouvé leur place dans les établissements de santé français. À l’origine introduites dans les années 1970 avec l’acupuncture et l’homéopathie, elles connaissent aujourd’hui une expansion rapide, notamment dans le cadre des soins dits de support, en particulier en oncologie.

Le rapport 2025 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) dresse un constat clair : la banalisation de ces approches dans l’environnement hospitalier s’accélère, souvent sans que les patients soient pleinement informés du statut ou du cadre de ces pratiques. Reiki, magnétisme, soins vibratoires ou "bols tibétains" sont désormais proposés dans certains services comme compléments au traitement, mais sans validation scientifique probante.

Une information souvent floue pour les patients

L’un des points les plus sensibles soulevés par la Miviludes concerne l’absence d’information claire et loyale fournie aux patients. Ces derniers peuvent croire avoir affaire à un professionnel de santé diplômé, alors que certains intervenants ne possèdent aucun titre médical reconnu.

La confusion entre pratiques thérapeutiques validées et interventions non encadrées met en danger l’autonomie du patient dans ses choix. La frontière entre médecine conventionnelle et soins alternatifs est brouillée, compromettant une décision éclairée, surtout dans des contextes de vulnérabilité, comme les soins en cancérologie.

Le tableau suivant résume les types de PSNC recensées à l’hôpital, leur statut scientifique et les réserves principales exprimées par les autorités sanitaires :

Type de pratique Validation scientifique Encadrement médical Risque principal selon la Miviludes
Reiki Aucune Faible à inexistant Confusion avec une thérapie officielle
Magnétisme Aucune Très faible Détournement de traitements médicaux classiques
Bols tibétains Aucune Aucun Influence émotionnelle sans preuve d’efficacité clinique
Acupuncture Partiellement reconnue Parfois encadrée Utilisation hors cadre validé
Homéopathie Controversée Faible Substitution à des traitements médicamenteux réels

Le risque d’un effet de caution médicale

Autre problème majeur : le partage de locaux entre médecins et praticiens de PSNC. Dans certains centres dits « de bien-être », des professionnels de santé cohabitent avec des intervenants alternatifs, sans que les patients ne puissent faire clairement la distinction.

Les Ordres médicaux, dont celui des médecins, rappellent pourtant qu’un tel mélange est proscrit. Le Conseil national de l’Ordre des médecins interdit notamment de partager des espaces professionnels avec des personnes dont les activités ne sont pas encadrées par une déontologie reconnue, afin de ne pas entretenir une confusion préjudiciable pour les patients.

La Miviludes insiste : la présence de médecins dans ce type de contexte peut donner à ces pratiques une caution injustifiée, contribuant à renforcer leur légitimité auprès d’un public en quête de réconfort ou de solutions alternatives.

L’enseignement supérieur en cause

L’essor des PSNC à l’hôpital est également facilité par la multiplication de diplômes universitaires dédiés à ces pratiques, souvent non validées scientifiquement. Si ces formations donnent une apparence de sérieux, elles n’impliquent en réalité aucune preuve d’efficacité clinique. Cette situation alimente l’ambiguïté et favorise leur diffusion dans le système de santé.

Ce phénomène inquiète d’autant plus que les patients, et notamment ceux atteints de cancers, sont les plus concernés : plus de la moitié des signalements de dérives dans le domaine de la santé concernent ce public.

Vers un encadrement renforcé : des outils en préparation

Face à ces dérives, plusieurs dispositifs sont à l’étude. Une convention a été signée entre la Miviludes, la Ligue contre le cancer et le ministère de l’Intérieur, afin d’encadrer les soins de support en oncologie. La Ligue rappelle que ses propres interventions se concentrent sur quatre types de soins jugés prioritaires, tous validés : activité physique adaptée, soutien psychologique, diététique et soins socio-esthétiques.

Par ailleurs, la Direction générale de la Santé (DGS) travaille à la création d’un « dérivomètre », un outil pédagogique sur le modèle du « violentomètre ». Ce guide visuel doit permettre aux patients et à leurs proches de repérer des comportements inquiétants, de s’informer sur les signes de dérives et de favoriser un dialogue avec les soignants. Toutefois, son impression et sa diffusion ne sont pas encore garanties, en raison de contraintes budgétaires et logistiques.

Un enjeu de confiance pour le système de santé

L’alerte lancée par la Miviludes met en lumière un enjeu de fond : la confiance dans notre système de soins. Loin de rejeter les aspirations à une approche plus globale ou humaine, le message des autorités est clair : toute pratique proposée dans un établissement de santé doit être clairement identifiée, rigoureusement encadrée et fondée sur des preuves.

Dans une époque marquée par la prolifération des fausses promesses thérapeutiques, protéger les patients et leur libre arbitre passe par une transparence totale. L’hôpital, lieu de soin et de science, ne peut devenir un terrain de flou, où l’émotion l’emporte sur l’évidence médicale. La vigilance reste donc de mise, pour que le soin reste un acte éclairé, sécurisé et pleinement assumé.

Aucun commentaire à «La Miviludes s’alarme : ces pratiques douteuses s’installent au cœur des hôpitaux publics»

Laisser un commentaire

Les commentaires sont soumis à modération. Seuls les commentaires pertinents et étoffés seront validés
* Champs obligatoires