Immobilier locatif : toujours une valeur refuge face aux incertitudes économiques ?

L’immobilier locatif a longtemps été considéré comme une valeur refuge en France. Accessible, tangible, et potentiellement rentable, il a séduit des millions de particuliers désireux de faire fructifier leur épargne tout en préparant leur retraite. Mais en 2025, le contexte économique, fiscal et réglementaire est bien différent. Entre remontée des taux, inflation, pression environnementale et réformes fiscales, le socle sur lequel reposait la sécurité de l’investissement locatif s’effrite. L’immobilier reste-t-il une protection efficace pour le patrimoine des Français ?

Par Eve
Immobilier locatif toujours un bon placement en 2025
© iStock

Une pression montante sur la rentabilité locative

Le rendement brut d’un investissement locatif s’est fortement contracté ces dernières années. D’un côté, les taux d’intérêt des crédits immobiliers ont dépassé 4 % en moyenne début 2025, après avoir frôlé les 5 % en 2024. De l’autre, l’encadrement des loyers dans les grandes métropoles limite la capacité des propriétaires à répercuter la hausse des charges sur leurs locataires.

L’écart entre les loyers perçus et les mensualités de remboursement s’est donc réduit, fragilisant l’équilibre économique de nombreux projets. Les zones tendues, autrefois considérées comme les plus rentables, deviennent paradoxalement les plus contraignantes. Les villes moyennes ou les secteurs périphériques semblent aujourd’hui offrir des opportunités plus équilibrées, à condition de bien sélectionner l’emplacement et la typologie du bien.

Le mur de la rénovation énergétique

Depuis le 1er janvier 2025, il est interdit de mettre en location des logements classés G sur le diagnostic de performance énergétique (DPE). Cette interdiction s’étendra aux logements classés F dès 2028. Pour les propriétaires concernés, cela signifie des investissements de rénovation parfois très lourds, pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros selon l’état du bien.

Les aides publiques (MaPrimeRénov’, éco-PTZ, CEE) permettent d’amortir une partie des coûts, mais les démarches restent complexes et les délais d’obtention parfois longs. Or, un logement non conforme ne peut plus générer de loyers, ce qui le transforme, temporairement, en actif passif.

Voici un tableau récapitulatif des seuils et obligations énergétiques en vigueur :

Classe énergétique Statut locatif en 2025 Échéance d’interdiction de location Aides disponibles
G Interdite à la location Depuis 2025 MaPrimeRénov’, éco-PTZ, CEE
F Autorisée avec préavis de réforme Interdite à partir de 2028 Idem
E ou mieux Location possible Pas de restriction prévue Aides selon travaux réalisés

Les passoires thermiques représentent encore environ 17 % du parc locatif privé, selon l’Ademe. De nombreux petits propriétaires, notamment les retraités, peinent à engager les travaux nécessaires, faute de budget ou d’accompagnement technique.

Des réformes fiscales qui modifient la donne

La fin progressive du dispositif Pinel, prévue pour décembre 2024 (avec dérogation jusqu’en 2025 dans certaines zones), a fermé une porte prisée des investisseurs. Par ailleurs, le nouveau statut du bailleur privé, en discussion dans le cadre de la loi Logement 2025, devrait réformer les régimes d’imposition des revenus locatifs et réduire les niches fiscales jugées inefficaces.

L’objectif affiché : simplifier, mais aussi rendre la fiscalité plus équitable entre propriétaires et locataires. Pour les investisseurs, cela pourrait se traduire par une hausse des prélèvements sur les loyers nets, notamment pour les locations meublées, longtemps favorisées.

L’immobilier reste une protection… à certaines conditions

Malgré ces contraintes, l’immobilier conserve des qualités fondamentales de stabilité, à condition d’être bien ciblé. En particulier :

  • Il protège contre l’inflation : les loyers peuvent être indexés, partiellement, sur l’indice de référence des loyers (IRL).
  • Il offre un levier de crédit : même avec des taux élevés, le recours à l’emprunt permet d’acquérir un actif avec peu de capital de départ.
  • Il crée du capital : à long terme, l’immobilier permet de constituer un patrimoine transmissible, souvent valorisé.

Pour que cet investissement reste une valeur refuge, il faut aujourd’hui intégrer systématiquement la question énergétique, fiscale et locale dans son projet. Cela signifie, par exemple, :

  • privilégier des biens déjà rénovés ou facilement rénovables,
  • analyser en détail le marché locatif local (vacance, pression locative, revenus),
  • opter pour des locations simples (nu, meublé à l’année) plutôt que des modèles instables comme la location courte durée, de plus en plus réglementée.

Quelles alternatives ou compléments envisager ?

Certains épargnants choisissent désormais de diversifier leur patrimoine immobilier via des SCPI (sociétés civiles de placement immobilier), qui permettent d’investir dans de l’immobilier locatif sans souci de gestion directe. Ces produits affichent encore des rendements entre 4 % et 5 % nets en 2025, mais attention aux frais d’entrée et à la liquidité.

D'autres se tournent vers des fonds immobiliers ISR ou des assurances-vie en unités de compte spécialisées dans la pierre-papier, qui offrent un compromis entre accessibilité et diversification.

L’investissement locatif n’est plus la valeur refuge automatique qu’il était il y a dix ans. Il nécessite aujourd’hui un pilotage plus rigoureux, une veille réglementaire constante, et surtout une anticipation précise des coûts liés aux obligations environnementales et fiscales.

Bien réfléchi, il reste un socle patrimonial solide. Mais mal préparé, il peut devenir un piège coûteux et déceptif pour les épargnants en quête de sécurité.

Aucun commentaire à «Immobilier locatif : toujours une valeur refuge face aux incertitudes économiques ?»

Laisser un commentaire

Les commentaires sont soumis à modération. Seuls les commentaires pertinents et étoffés seront validés
* Champs obligatoires