Longtemps oublié, le béguinage est une forme de vie en communauté qui refait surface depuis les années 1990. Aujourd’hui, elle attire en particulièrement les personnes âgées en recherche d’un lieu de vie entre le logement individuel et l’EHPAD. Ce système permet aux personnes retraitées de sortir de l’isolement et renforce la solidarité entre ses résidents.
Le béguinage : un cadre de vie adapté aux seniors
En quoi consiste le béguinage ?
Les béguinages étaient des lieux où vivaient des communautés religieuses, généralement des femmes. Ils étaient composés de maisons ou pavillons individuels, le plus souvent reliés par des couloirs. Ces maisons étaient généralement situées près d’une église ou autour d’une petite cour. Les femmes qui y vivaient étaient donc autonomes tout en profitant des avantages de la vie en communauté. Aujourd’hui, différentes formes de béguinage ont vu le jour pour offrir un cadre de vie plus agréable aux seniors aux revenus modestes. Ce type de logement a donc une véritable vocation sociale.
Un mode de vie religieux hérité du moyen-âge
Si les béguinages d’aujourd’hui n’ont plus grand chose à voir avec leurs ancêtres, ils conservent pour une grande partie leur vocation religieuse. Il convient donc de revenir sur l’histoire de ces communautés féminines et chrétiennes.
Le concept est né au XIIe siècle en Belgique. Ces rangées de petites maisons ont ensuite fleuri aux Pays-Bas et dans le nord de la France. Les résidentes étaient généralement des femmes célibataires, des veuves ou des femmes déshéritées. Elles échappaient à l’autorité de l’Église. À l’inverse des religieuses, elles ne prononçaient pas de voeux mais vivaient, travaillaient et priaient en tout autonomie. Une forme de réclusion communautaire qui n’était pas vue d’un bon œil par le clergé. Certaines furent même persécutées pour hérésie. Comme c’est le cas pour Marguerite Porete, brûlée vive à Paris en 1310. Les béguinages médiévaux disparaissent en l’espace de deux siècles, sauf en Flandre où ils ont perduré grâce à une entente avec l’Église. Ces lieux sont alors devenus des formes de paroisses. En Flandre, treize de ces lieux sont aujourd’hui classés au patrimoine mondial de l’Unesco.
Une nouvelle solution d’habitat pour les personnes âgées
Le béguinage en France se présente sous deux formes.
D’anciens béguinages réhabilités
Des lieux autrefois destinés au béguinage ont été entièrement rénovés afin d'accueillir des personnes âgées, généralement aux revenus modestes. La plupart de ces résidences pour seniors sont situées dans le Nord de la France et gérées par des bailleurs sociaux, ce qui permet de contrôler les loyers.
De nouvelles résidences pour relancer le mode de vie béguinal
Il existe également de nouveaux bailleurs sociaux qui s’inspirent de ce modèle pour lancer de nouveaux projets immobiliers destinés à accueillir les personnes âgées. Ces résidences prennent souvent la forme d’ensemble pavillonnaire regroupant des maisons en rez-de-chaussée. Au Pas-de-Calais, le conseil départemental attribue le label de béguinage à des projets qui valident certains critères. « La Fermette aux bleuets » est le premier exemple de ce type en France. Elle a été créée en 1997 à Lambres-lez-Douai dans le nord de la France.
Solidarité et entraide : les points forts de la vie en communauté pour les retraités
Un environnement sécurisant
Pour les seniors en situation d’isolement social ou atteint d’un handicap, vivre en béguinage représente une solution adaptée à leurs besoins. Dans ces communautés, chacun veille l’un sur l’autre, ce qui est rassurant pour les habitants. Il y a donc une forme de bienveillance et de solidarité qui règne au sein de la communauté. Néanmoins, il n’y a pas de personnel soignant comme dans les maisons de retraite.
Une proximité immédiate avec les commerces et le voisinage
Le béguinage permet de rapprocher les personnes et de favoriser la sociabilité grâce à des espaces communs. Il y a souvent la présence de petits commerces de proximité, ce qui réduit les déplacements. Un grand plus les personnes ayant une mobilité réduite.
Un moyen de lutter contre le fléau de la solitude chez les personnes âgées
L’envie de partager et le sentiment de solidarité est réellement au centre de ces initiatives locales. Chaque habitant est libre de rencontrer du monde s’il le souhaite. Bref, ce mode de vie peut en attirer plus d’un, et pas seulement les retraités. Les personnes lassées du côté impersonnel de la vie en ville peuvent également être séduites.
Une réponse à la baisse de pouvoir d’achat
L’autre point fort des béguinages est bien sûr le contrôle des loyers. Les plus chères ne dépassent pas 600 euros mensuels. Ces logements sont donc particulièrement adaptés aux personnes vivant sur une petite retraite. Cela améliore leurs conditions de vie et leur pouvoir d’achat.
Vers des béguinages laïcs
Thierry Predignac, cofondateur de l’association Vivre en béguinage, avait pour ambition avec ses autres cofondateurs, de « créer un lieu pour permettre à des chrétiens retraités d’approfondir leur foi ». C’est ainsi qu’ils ont eu l’idée de faire revivre le mouvement béguinal. Thierry Predignac rachète en 2012 le cloître Saint-François d’Assise à l’évêché de Perpignan. La résidence ouvre ses portes en 2014.
Ces lieux de vie en communauté sont devenus des sortes de laboratoires de réflexion. En effet, après le lancement de ce béguinage, d’autres ont vu le jour à Quimper et Mulhouse, mais il a aussi fallu trouver de nouvelles solutions de financement. L’association a donc fait construire pour revendre aux personnes intéressées par ce mode de vie, mais certains propriétaires les ont ensuite loués. Cela a créé un déséquilibre entre la population de ces résidences et a généré des problèmes entre locataires et propriétaires. D’autre part, certains résidents se sont plaints de la perte de l’esprit chrétien qui y régnait au début. Au contraire, d’autres n’arrivaient pas à s’adapter à cet environnement qu’ils jugeaient trop catholique.
Difficile de faire cohabiter ces deux visions. Alors, dorénavant, on sépare les résidences laïques des maisons d’alliance qui sont strictement catholiques. L’association a, par exemple, créé un béguinage laïc à Tours dont les seuls critères pour y accéder sont les conditions de ressources. De plus en plus de résidences de ce type prennent cette direction. Le bien-être des résidents restant la priorité, ils ont même créé un poste de gardien-veilleur. Ce dernier a pour mission de faciliter l’insertion et l’intégration d’un nouvel arrivant, par exemple, en s’assurant qu’il ne reste pas isolé.
Expérience béguinale : un concept en mouvement
Un tas de réflexions et d’initiatives se créent autour du mode de vie béguinal. Ces préoccupations peuvent aussi bien être religieuses que sociales. L’objectif étant de faire revivre un esprit de solidarité qui a disparu petit à petit avec l’avènement de l’individualisme. Ces nouvelles résidences ayant beaucoup d’attrait, la première inquiétude, actuellement, est de voir le concept tomber dans une forme de consumérisme répondant seulement la loi du marché en mettant de côté l’esprit solidaire. Néanmoins, en Europe, les expérimentations continuent. Ce qui est certain, c’est que le béguinage reste aujourd’hui une solution prometteuse et innovante pour loger les personnes âgées, handicapées ou en isolées.
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